Les premiers pas dans le monde de l’art

Enfance

Formation à l’Académie Ranson
Assistant décorateur chez Raoul Dufy
Les illustrations

Enfance



 

Gaston-Louis Roux est né le 24 janvier 1904 dans la petite ville de Provins (Seine-et-Marne) au Sud-est de Paris. Son père, Armand Roux, fils d’ouvrier, était un homme entreprenant. A la naissance de Gaston-Louis, il était commis de banque puis il exerça simultanément les activités de marchand de vins en gros et d’agent d’assurance. Sa mère, née Gozdik, de lointaine origine polonaise, était couturière. Le foyer comptait déjà un enfant, Lucien, de trois ans l’aîné.

L’enfance des deux garçons semble s’être déroulée dans un bonheur simple. On peut noter que très vite le jeune Gaston-Louis s’intéresse au dessin et à la peinture comme l’atteste une petite huile sur carton réalisée autour de 1915. La manière dont est brossée cette vue de village (coups de pinceau rapides et précis) montre déjà un réel sens du dessin (sens des proportions, présence d’ombres portées et d’effets de lumière) ainsi qu’une sûreté du geste peu commune chez un enfant de onze ans.

 

 

Il aime également déclamer de courts poèmes ou chanter des chansons, à l’image de son père qui s’y prêtait souvent en fin de repas. « A force de l’entendre, Gaston-Louis apprit par cœur un certain nombre de poèmes qui finirent par composer un répertoire extraordinaire. [...] Combien de fois, depuis un quart de siècle, avec un plaisir jamais émoussé, l’aurai-je entendu déclamer, superbe, ces morceaux de bravoures d’un autre âge, désuets, presque incroyable dans leur outrance naïve ». Dans un entretien sur Radio-Cité, Gaston-Louis Roux revient sur son passé de « comédien » : «Il y avait aussi le poème d’Hégésippe Moreau, la Voulzie, qui m’était très demandé par ma famille, à la fin des banquets de baptême, de première communion ou de noces et dont j’exprimais le romantisme avec conviction, au grand attendrissement des dames et des demoiselles».

Ce tempérament gai et jovial, qui transparaît dans ses œuvres dites de « jeunesse », est fort apprécié de ses contemporains.

Après la première guerre mondiale, la famille Roux s’installe à Paris.

La scolarité du jeune homme se déroule sans problème. Pourtant, à l’âge de quinze ans, il refuse la bourse qui lui est offerte pour étudier dans le secondaire et décide de se consacrer pleinement à la peinture. Ses parents ne furent pas enchantés par la vocation précoce de leur fils mais, comme le déclare Gaston-Louis Roux, «ils durent à la longue s’incliner».


 

Formation à l’Académie Ranson

 

Sa décision ferme de devenir peintre le mène, dès 1919, à l’Académie Ranson. Il a alors pour professeur Maurice Denis (1870-1943), Paul Sérusier (1864-1927) et Edouard Vuillard (1868-1940), tous trois anciens nabis. Durant les trois années qu’il passe à l’Académie, il a pour compagnon les frères Berman, Pierre Charbonnier et surtout Christian Brérard. Ce dernier, parisien plein d’esprit et de talent instruit Gaston-Louis sur l’avant-garde mondaine et lui fait apprécier Cocteau. Par la suite, Bérard devint très proche de Cocteau et s’illustra particulièrement dans la décoration de pièces de théâtre. Il fit également parti avec les frères Berman du mouvement « néo-humaniste », proche d’un certain classicisme, crée entre 1923 et 1930 sous l’égide de Waldemar Georges.

 


Photographie de la librairie, 3 rue du Cherche Midi, dans laquelle Jeanne Bucher
présentait, de façon informelle, quelques œuvres de jeunes peintres.

Elle y aurait réalisée une exposition des œuvres de Gaston-Louis Roux en 1924.


En ce qui concerne l’enseignement les élèves recevaient une formation assez classique, basée sur l’importance du dessin et de la couleur. Cependant, les jeunes gens de l’académie Ranson semblaient peu concernés par le discours des nabis. Ils s’intéressaient alors à l’avant garde que les cubistes représentaient. Dans un entretien de 1969, Gaston-Louis Roux se penche sur ses années d’apprentissage : « Vous savez, nous étions plusieurs [peintres révoltés] à l’Académie Rançon (sic) justement et quand nos bons maîtres, je ne dis pas Vuillard qui lui est venu assez rarement, mais Maurice Denis venait à la correction le samedi, on avait une espèce d’attitude d’ailleurs très impolie, très maladroite vis-à-vis de cet homme qui était un homme de grande qualité, grande intelligence... et on n’écoutait absolument pas ce qu’il nous disait, on louchait à ce moment là vers les cubistes, vers Braque, vers
Juan Gris [...] ».

Cette formation, Gaston-Louis Roux avoue l’avoir niée dans un premier temps pour la retrouver par la suite, lorsqu’il se met à peindre d’après nature et qu’il doit acquérir par lui-même « une sorte de grammaire pour s’exprimer ».

Il est intéressant de constater que l’artiste, non seulement, ne niera plus l’enseignement qu’il a reçu mais le revendiquera, faisant l’apologie des Académies où l’on acquiert une « richesse d’enseignement ». Ainsi, lorsque Jean Jacques Lévêque, dans un des rares entretiens que l’artiste a accordé à la presse, lui demande s’il est autodidacte, Gaston-Louis Roux s’exclame : « Ah non… pas du tout… non, non, non… Je suis très fier de dire que j’ai commencé à faire de la peinture à l’Académie Rançon (sic), avec Maurice Denis, avec Vuillard, avec Sérusier qui était un merveilleux vieillard au moment où je l’ai connu. »

De ses débuts à l’Académie date une petite peinture le port d’Alger réalisée en 1919. Selon Pierre-Georges Bruguière, ce tableau montre « une exceptionnelle justesse de valeurs, couleurs claires, légères, lumineuses, pas de ton sombre, pas d’ombre, la lumière fine contenue dans la couleur de chaque chose donne l’espace où elle situe, où elle reprend corps, l’air qui l’environne, le jour qui l’éclaire ».

C’est en octobre 1920 qu’il réalise sa première exposition collective à la Galerie Drouet au milieu des étudiants de l’Académie Ranson. Cet événement lui permet d’obtenir sa première critique ; le journaliste évoque un tableau du jeune homme en insistant sur le plaisir que l’on a à admirer « une petite rue de village nocée avec une naïve délicatesse par M. G. Roux.

L’année suivante il réalise deux œuvres importantes sur le plan de son évolution stylistique : une nature morte intitulée Le Vase de Bérard (Fig. 2) et un grand Portrait de sa mère. La première est une huile sur toile de 48cm sur 61cm représentant une nature morte composée d’un pichet, ainsi que deux oeufs, posés sur une nappe, le tout étalé sur une table. Lorsque l’on observe cette petite œuvre, on est surpris, dans un premier temps, par la configuration de la table. En effet, celle-ci semble être représentée sans les raccourcis habituels qui permettent un effet de profondeur. Le plateau supérieur, au lieu d’avoir deux bords matérialisés par des lignes convergentes, est représenté par un rectangle parfait. Après quelques années passées à étudier à l’Académie Ranson Gaston-Louis Roux maîtrise bien évidemment les procédés liés à la perspective. Par conséquence le jeu sur la perspective déformée et la sensation que cela provoque sur le spectateur font partie des recherches formelles de l’artiste, qu’il n’est téméraire de rapprocher des techniques nabis qui avaient entrepris « le dérèglement systématique, la transgression ; ces règles [celles de la perspectives] étaient trop liées au désir, qui n’était pas le leur, de traduire le réel par une géométrie artificielle. Libérés de ce devoir de construire l’image selon un axe principal classique de l’œil du peintre au point de fuite centrale, ils pouvaient accepter et créer d’autres images ordonnancées autrement.» Cependant, les couleurs grises et ocre, utilisées par le jeune artiste, ont bien peu à voir avec la gamme chromatique vive et claire usitée par ses professeurs, et se rapprochent des tonalités des tableaux cubistes.

Le Portrait de ma mère (huile sur toile de 100cm sur 73cm) est d’un tout autre style. Le peintre choisit de représenter sa mère de façon monumentale : d’une part, elle occupe une grande partie du tableau, de plus ce dernier est lui-même de grandes dimensions. L’effet de perspective est souhaité et maîtrisé, comme l’atteste cette représentation d’un intérieur. Cependant, l’intérieur n’est qu’un faire-valoir car c’est la figure de la mère qui est importante, comme le prouve sa position centrale ainsi que le jeu de lumière qui la met en valeur. La gamme chromatique utilisée par l’artiste reste dans une tonalité assez sombre bien qu’une lumière chaude éclaire le personnage principal. Comme pour Le Vase de Bérard le peintre simplifie les formes, ne s’embarrassant pas de détail qui pourraient détourner l’attention du spectateur. Cette œuvre peut être rapprochée des portraits réalisés par Derain où les personnages sont particulièrement mis en évidence, par une absence de détails superflus ou couleurs agressives. De la même façon, une influence de Picasso se fait sentir dans la monumentalité du corps de la mère qui n’est pas sans rappeler certains portraits que l’artiste catalan réalisa entre 1918 et 1921.

 

Assistant décorateur chez Raoul Dufy

 

Après trois années passées à l’Académie, Gaston-Louis Roux se lance dans « la vie active » et entre chez Raoul Dufy en tant qu’assistant décorateur. Raoul Dufy (1877-1953), reconnu pour ses qualités de dessinateur et de coloriste, travaille alors pour des couturiers ou des soyeux. Il réalise des maquettes de tapisserie, des papiers peints ou encore des étoffes. Le jeune Gaston-Louis ne restera chez le décorateur qu’une année. En effet, il semble que les plaisanteries perpétuelles de l’apprenti n’étaient pas du goût de Mme Dufy qui pria son mari de se débarrasser d’un aide aussi impertinent. L’humour décalé qui fera plus tard la renommé du peintre était déjà à l’œuvre et commençait à déranger. Dans l’atelier de l’artiste, le jeune homme reçoit une formation complète (portant sur la peinture et arts décoratifs) ; il approfondit sa maîtrise du dessin en se livrant à des séries d’esquisses, et étudie les positions des personnages, les proportions, ainsi que l’harmonie des couleurs. Cependant, il ne semble pas que Gaston-Louis Roux ait pu être beaucoup en contact avec Raoul Dufy, ce dernier partant régulièrement pour l’Italie (Florence, Rome, Naples, La Sicile…) durant les années 1922, 1923.

C’est probablement à cette période qu’il réalise deux dessins sur papier, sans titre et non datés mais que l’on peut attribuer aux années où il travaille comme apprenti, tant l’influence de l’atelier de Raoul Dufy y est décelable. Le premier représente une scène de genre : au premier plan, dans ce qui semble être un jardin public, deux femmes avec des ombrelles se tiennent à côté d’un palmier. On aperçoit également deux chiens ainsi qu’un homme de dos et un enfant en train de jouer avec un cerf-volant, le tout devant un paysage composé de la mer, de montagnes et de quelques maisons, qui évoque la Côte d’Azur (que Raoul Dufy a tant représentée). Scène de genre au thème et au style relativement convenus qui porte à croire que ce dessin est le résultat d’un travail imposé.

Le second dessin, représentant une scène dans un théâtre ou un cabaret, semble plus personnel. Bien que l’influence de Dufy soit encore présente dans le dessin des personnages, la scène représentée est traitée sur un mode humoristique, où s’enchevêtrent personnages nus, habillés, spectateurs acteurs ou machinistes. On remarque un travail sur le mouvement, sur l’attitude des personnages et la place qu’ils occupent dans l’espace.

Dans Les enfants au jardin de 1924, la facture est différente des dessins que nous venons d’évoquer. Cette impression est peut-être conférée par le fait que le peintre s’intéresse à la couleur qui, toute en subtilité, lui permet un travail sur les ombres et la lumière ainsi qu’une plus grande liberté du geste.

Dans les deux œuvres précédentes, les personnages sont représentés de façon précise bien que stylisée, à la manière des gravures de mode de l’époque (que l’on peut apercevoir dans les revues pour lesquelles Dufy travaille parfois ). Dans Les Enfants au jardin il me semble que le peintre cherche davantage à représenter une atmosphère générale, les personnages n’étant que suggérés et totalement intégrés au paysage qui les entoure (à la différence des deux dessins précédents où le travail semble être focalisé sur les personnages). Toutefois il continue son travail sur les postures, les personnages indifférenciés adoptant tous une position particulière. Gaston-Louis Roux utilise ce qu’il apprend dans l’atelier de Raoul Dufy, se nourrit des thèmes et du style de son patron pour s’en détacher peu à peu et proposer quelque chose de plus personnel.

A cette époque, Gaston-Louis Roux, qui n’est alors âgé que de 18 ans, passe ses soirées dans les cabarets et les tavernes. C’est au cours d’une de ces virées nocturnes qu’il fait la connaissance du jeune peintre Elie Lascaux avec lequel il se lie d’amitié. Ce dernier, le présentera plus tard à Daniel-Henri Kahnweiler, de par sa qualité d’artiste de la galerie et de gendre du marchand.

En 1924, Gaston-Louis Roux est appelé au service militaire. En tant qu’artiste il obtient un poste de dessinateur au service de la santé du Val de Grâce. Son travail consiste à retoucher des photographies ou à tracer des croquis de pièces anatomiques qui devaient orner un monumental ouvrage de médecine entrepris par les Editions Quillet en 1918. Ce poste lui permet, d’une part de ne pas perdre la main mais surtout de rester à Paris où il continue de fréquenter ses amis et se tient au courant des dernières nouvelles.

 

Il se remet ensuite au travail et est repéré par Jeanne Bucher qui lui propose de l’exposer dans son petit local situé au 3 de la rue du Cherche Midi. A défaut de galerie, elle expose peintures, dessins et gravures de jeunes peintres qu’elle juge prometteurs, dans le département des livres étrangers qu’elle a installé au sein de la librairie Budry. En 1925, elle se risque à confectionner un livre avec un artiste allemand: L’Histoire naturelle de Max Ernst. Enfin reconnue et soutenue, elle inaugure sa propre galerie au 5 rue du Cherche Midi en 1929 ce qui lui permet de multiplier les expositions consacrées aux artistes les plus avant-gardistes de l’époque . Du 15 décembre 1931 au 15 janvier 1932, elle propose, en autre, une exposition de lithographies, reproductions en couleur et gravures de Picasso, Gris, Lurçat, Chagall, Max Ernst, Léger, Miro, Dufy, Max Jacob, (etc…) au milieu desquels Gaston-Louis Roux aura sa place.

Patrick Waldberg commentera les peintures et dessins exposées de la façon suivante : « la peinture de Roux n’était pas dégagée des influences d’école. Dufy notamment y avait sa marque, mais une fantaisie toute personnelle, déjà, un sens du dessin aigu et sûr, un humour léger, de la tendresse aussi s’exprimaient dans ses compositions ironiquement mythologiques.»

De cette période date Foule New-yorkaise et A New York. Gaston-Louis Roux propose sa propre vision de cette ville mythique sortie tout droit de son imagination (il ne s’est jamais rendu à New-York). Loin d’être une scène de genre (comme la présentent certains ouvrages ) ou un simple paysage, Gaston-Louis Roux décide de suggérer la ville en représentant, sur un même plan, tous les aspects qui font sa singularité et sa célébrité : le policier, la foule composée de personnages excentriques, les personnes de couleurs, les grosses voitures, le cinéma (personnage à gauche avec une caméra dans A New-York) et une multitude de gratte-ciels qui touchent véritablement le ciel. Il s’agit d’une composition assez extravagante et novatrice de par un échelonnage vertical, une superposition, sans réel effet de profondeur. Innovation dans le domaine des couleurs également qui, loin des nuances et des harmonies, égayent les immeubles et habillent les personnages, conférant à l’ensemble de l’œuvre une touche fantaisiste.

 
Les illustrations

 

C’est à cette même époque que Roux fait la connaissance d’André Malraux puis de Pascal Pia qui lui permettront de faire ses premiers pas en tant qu’illustrateur. Lorsqu’il rencontre Malraux ce dernier est âgé de 25 ans. Il écrit des articles dans La Connaissance ou Action. Le jeune écrivain n’est alors ni fortuné ni célèbre et décide de créer sa première maison d’édition, La Sphère, dont il déposera le bilan quelques années après sa création. Il fonde ensuite les éditions Aux Aldes avec Pascal Pia et Eddy Du Perron. Cette seconde tentative se révélera également infructueuse puisque la maison d’édition Les Aldes sera rachetée par Bernard Grasset.

C’est dans le cadre des éditions Aux Aldes que Malraux propose à Gaston-Louis Roux, en 1926, d’illustrer les Souvenirs d’Egotisme de Stendhal. Les ouvrages comprennent treize lithographies originales hors textes en couleurs. « Ces lithographies sont rehaussées de noir à la main par l’artiste lui-même, dont chaque volume porte la signature autographe » .

La même année, avec Pascal Pia et Bonnel il illustre de douze lithographies les exploits d’un jeune Don Juan d’Apollinaire (1926). Il compose également le frontispice de Mademoiselle de Mustelle et ses amies (1927). La même année, avec l’éditeur Jean Baudry (ou Budry), il illustre un livre de Maurice Des Ombiaux, Les fromages.

Gaston-Louis Roux poursuivra sa carrière d’illustrateur en entrant sous contrat chez le marchand d’art Daniel-Henry Kahnweiler. En effet ce dernier possédait sa propre maison d’édition qui avait pour nom sa propre galerie. Les éditions de la galerie Simon avaient un tirage fort modeste puisque qu’un livre dépassait rarement la centaine d’exemplaires. La volonté de Kanhweiler était d’éditer les ouvrages d’écrivains ou de poètes, pour la plupart peu voire pas connus, accompagnés par des illustrations « de leurs amis les peintres » afin de leur permettre de rencontrer un public potentiel. C’est ainsi que Gaston-Louis Roux eut, en 1930, la possibilité d’illustrer le recueil de poèmes de Carl Einstein intitulé Entwurf einer Landschaft (Esquisse d’un paysage pour la traduction française). Ce poète, connu aussi pour ses essais philosophique et ses écrits sur l’art, fut l’une des figures majeures de l’éclosion de l’avant garde dans les années dix et vingt. En 1926, il fait publier Die Kunst des 20.Jahrhunderts, ouvrage important pour la revendication du cubisme et des avant-gardes en Allemagne. Dans les années trente, il en présentera une version révisée et argumenter, où Gaston-Louis Roux aura sa place aux coté d’André Masson et de Joan Miro. Le texte consacré aux trois artistes est suivi de reproductions de leurs oeuvres, à savoir, pour Gaston-Louis Roux, Das Segelschiff ( Le voilier), Ikarus (Icare), Die Koketten (Les Coquettes), Raub der Sabinerinnen Entwurf (esquisse de l’Enlèvement des Sabines) ainsi que Der Werwolf (Le Loup-garou). Installé à Paris dès 1928 il devient un collaborateur actif de la revue Documents aux cotés de Georges Bataille. Entwurf einer Landschaft sera son premier ouvrage édité en France.

Outre les poèmes, il comporte cinq lithographies hors texte en noir et blanc qui représentent des sortes de petits personnages. Ces derniers sont dessinés d’un trait rapide et gestuel, conférant ainsi à l’ensemble de la composition beaucoup de dynamisme et de mouvement. S’adaptant au titre du recueil de poème, l’artiste « esquisse » des compositions qui diffèrent de celles qu’il réalise durant ces mêmes années . En effet, en 1930, le style de Roux se caractérise par une grande attention aux formes (organiques ou mécaniques), une peinture lisse et «bien léchée» ainsi qu’une composition et un traitement de l’image qui se rapprochent d’un collage. Les lithographies proposées dans Entwurf einer Landschaft semblent prendre le contre-pied. Le geste est vif, suggérant plutôt qu’explicitant une forme frappante de vitalité. Cette écriture picturale n’est pas sans faire penser à l’écriture automatique proposée par Masson quelques années plus tôt.

En 1942, Gaston-Louis Roux illustre l’ouvrage de Robert Ganzo intitulé Par Ganzo. Ce recueil de poèmes comprend vingt-trois lithographies rehaussées de couleurs par l’artiste lui-même (et ce pour 110 ouvrages !). Les poèmes, souvent à caractère humoristique voire satirique sont en parfaite symbiose avec l’esprit des tableaux de Gaston-Louis Roux. Les illustrations correspondant au poème « Le Poète Assassiné », représentent de façon figurative la mort du Poète incompris, sur un ton si tragique que cela devient, sinon cocasse du moins ironique voire dérisoire, s’adaptant ainsi au ton du poème. Car en effet, l’incompréhension du poète ou du peintre est traitée par Ganzo sur un mode dramatique, dont le pathos est si amplifié que le ton en parait ironique.

L’année suivante, l’artiste réalisera les illustrations les poèmes de Robert Desnos regroupés sous le titre Etat de Veille . Les dix gravures au burin de l’artiste illustrent les propos du poète. Prenons l’exemple du poème « Suicidés » :

« Pendus, égorgés, empoisonnés,
- Voici la foule des suicidés.
- Le chemin se hérisse, il a la chair de poule.
- Poignardés, noyés, précipités.
- Brisés par les roues du train,
- Suicidés vous n’avez pas gagné.
- Vous avez perdu
- Frères ! Frères perdus
- Qui donnez le mauvais exemple. »

La gravure correspondant à ce poème met en scène trois figures aux traits schématiques se détachant sur un fond composé de hachures horizontales et verticales. L’une tient un couteau, l’autre un rasoir et la troisième, plus difficile à distinguer, semble suspendue par une corde. Les deux premiers personnages sont représentés bouche ouverte, les bras démesurément longs avec pour seul décor les instruments de leur mort. Cette mise en scène volontairement dramatique est toute fois atténuée par le coté tragi-comique des postures adoptées par les figures. Cette atmosphère se retrouve, selon moi, dans le poème de Desnos. Les positions torturées et grandiloquentes des personnages rappellent la figure de l’Arracheur de dents réalisé en 1929.

Selon Patrick Waldberg, qui réalise pour la revue Critique en 1961 un article important sur Gaston-Louis Roux, ce dernier « tenait ces compositions pour ses meilleures oeuvres graphique ». Toujours selon le même auteur « les premiers états de ces gravures, montrées à Paul Eluard, soulevèrent son enthousiasme et il les prit pour lui. »

En 1963, il réalise les illustrations d’un petit ouvrage dont le texte est signé par André du Bouchet dont la parution est assurée par la galerie Janine Hao. Je reviendrais plus longuement sur cet ouvrage lorsque j’évoquerai les expositions des dessins de Gaston-Louis Roux dans cette même galerie. En effet, contrairement aux autres livres illustrés précédemment par Gaston-Louis Roux, ce dernier ne me semble pas dissociable de la carrière picturale l’artiste. L’illustration de cet ouvrage est réalisée à une période charnière durant laquelle l’artiste réapparaît sur le devant de la scène artistique après s’en être écarté de longues années et reflète la nouvelle direction de ses recherches picturales .

(source : « Gaston-Louis Roux, de Marie Perrier, Université Michel de Montaigne, Bordeaux III- Année 2003/2004 - Maîtrise d’Histoire de l’Art Contemporain - Sous la direction de M. Dominique Jarrassé »)